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Surtourisme dans les Alpes : les lieux où ça coince

Surtourisme. Depuis le COVID, le mot est lancé dans les Alpes. Comme s’il faisait de ceux qui le prononcent des personnes conscientes du problème. Mais quel problème ? Du col de Porte aux bords des Grands Lacs, la surfréquentation entre parfois en friction avec les populations locales. Et même si les Alpes ne sont pas foncièrement surfréquentées, à l’instar de Venise ou Barcelone, il existe quelques lieux où ça coince. Entre perceptions locales, enjeux économiques et surpression sur le milieu, on fait le point sur les lieux du surtourisme alpin.

Les lieux du surtourisme dans les Alpes

S’il n’y a qu’au sommet du Mont-Blanc que la fréquentation a été réglementée, le mot surtourisme est aujourd’hui sur les lèvres d’acteurs du territoire alpin. Selon Wikipédia, cette expression, qui se rapproche du tourisme de masse, désigne « la surfréquentation et donc la saturation réelle ou perçue des sites touristiques. Le surtourisme est défini notamment par cette « croissance excessive du nombre de visiteurs qui conduit à une saturation de certains espaces où les pics touristiques temporaires ou saisonniers ont une incidence négative permanente sur le mode de vie, le confort et le bien-être des riverains ». » Dans certains pays, cette surpression touristique engendrerait la tourismophobie. Alors y aurait-il des limites à la croissance ?

À Chamonix, l’accès au Mont-Blanc régulé

Le Mont-Blanc depuis l'aiguille du Midi

C’est le plus emblématique et sans doute le seul point marquant du surtourisme alpin. Depuis maintenant 3 ans, l’accès au Mont-Blanc est réglementé par arrêté préfectoral. C’est le maire de Saint-Gervais qui avait interpelé l’État après plusieurs incivilités. Depuis l’été 2019, le nombre d’alpinistes sur le mont Blanc est limité à 214 personnes par jour. Les candidats à l’ascension doivent réserver dans l’un des trois refuges situés sur le trajet. Chaque alpiniste se voit attribuer un document, comme un permis d’accéder au sommet. Une brigade de la gendarmerie veille au bon respect des règles sur place. Ailleurs dans le monde, de nombreux sites naturels doivent faire l’objet de demandes préalables avant d’y accéder.

À Annecy, on ne roule plus sur les rives du lac ?

Baigneurs à la plage d'Albigny, Annecy

Mélange de tourisme, d’excursionnisme et d’une urbanisation importante, les rives du lac d’Annecy se transforment souvent en été en un long bouchon qui n’en fini plus… Tant et si bien que l’image locale du tourisme n’est pas au beau fixe. Le grand Annecy s’est donc lancé cet été dans un plan Mobil’été, visant à valoriser l’offre de transports disponible aux alentours. Et on peut dire que le territoire est bien couvert : pistes cyclables, navettes gratuites, lignes de bateaux, liaisons par cars…

Des gendarmes pour réguler l’accès au lac d’Aiguebelette

Le Lac d'Aiguebelette en 2020

C’est une des images marquantes de l’été 2019 : la sortie d’autoroute du lac d’Aiguebelette fermée par la gendarmerie du fait de l’afflux d’estivants un dimanche de canicule. Peu connu nationalement, mais avec peu de plages, le lac d’Aiguebelette a connu ce jour sa limite de fréquentation. Depuis, les gendarmes veillent chaque week-end de juillet/aout, même si le pic de 2019 n’a pas été atteint en 2020. Pour accéder au lac depuis Chambéry, on pourra également embarquer son vélo dans le train et descendre à Lépin-le-Lac. De là, la première plage se trouve à 1,5 km. Celle du Sougey (notre photo) à 4 km. On pourra également venir le matin avant 11h ou après 18h (accès gratuit aux plages). On profite ainsi d’un soleil plus doux et d’un accès plus facile.

Au col de Porte et à Lans-en-Vercors, la presse s’emballe ?

Cet hiver confiné a été compliqué pour tout le monde. Avec des remontées mécaniques fermées, des déplacements limités par un retour contraint à 18h, les sites situés à proximité des grandes villes ont souffert d’un excès de voiture. La presse locale a ainsi souvent titré avec opportunité à la suraffluence, images à l’appui. Ça a été le cas au col de Porte et à Lans-en-Vercors. Pourtant, ces trop-pleins mettaient plutôt en valeur les vides, où les stations des vallées Alpines étaient désertées. Alors, ni à Lans-en-Vercors, ni au Col de Porte, le surtourisme ne pointe le bout de son nez. Bien au contraire. Comme à Annecy et à Aiguebelette, c’est ici le caractère périurbain des sites qui crée la pression. Il reste pourtant un problème d’accès où la voiture individuelle sature des lieux en pleine nature attractifs temporairement.

Lac d’Allos : la Riviera à 2200 mètres d’altitude ?

Carte postale du Lac d'Allos
Lac d’Allos sunrise par Julien Sanine, License CC BY-NC-ND 2.0

Au lac d’Allos, le tourisme de proximité forcé par la crise sanitaire a amené une surfréquentation l’an passé. Certaines journées, plus 1400 personnes ont été comptabilisées sur les rives de ce grand lac d’altitude. Même constat côté bivouacs, où les agents du parc du Mercantour ont compté jusqu’à 70 tentes au niveau du lac. Bruit, érosion, parkings saturés, publics fêtards… les nuisances sont nombreuses. Pour remédier au problème d’un tourisme parfois consommateur d’images et d’espaces dans des sites sensibles, la mairie d’Allos et le parc du Mercantour ont mis en place quelques mesures dès cet été : limitation du nombre de voitures, signalétique pour les randonneurs, personnels d’accueil et fermeture de la route de 17h à 21h les vendredis et samedis.

Tarentaise, la vallée en passe de saturer ?

50 000 habitants, plus de 400 000 lits touristiques, une seule route d’accès et les plus grandes stations du monde : Courchevel, Val d’Isère, Méribel, Les Arcs, La Plagne, Les Menuires, Val Thorens… Au-delà des problèmes de circulation les week-ends d’hiver, surtout les jours de neige, les signes de saturation de la population de Tarentaise sont de plus en plus présents dans la vallée : pétition pour un moratoire immobilier dans la vallée, opposition aux projets immobiliers du Club Med à Tignes et à La Rosière. Finalement, si les projets aboutissent, la vallée est de moins en moins enthousiaste aux aménagements voués à 100% au tourisme. Lors des dernières municipales, des maires plus mesurés sur les sujets urbanistiques ont été élus à Bourg-Saint-Maurice et à Val-d’Isère notamment.

Dans le nouveau Schéma de Cohérence Territorial de la Tarentaise, la priorité est maintenant donnée à la “réduction de la production de lits” et à la densification des enveloppes urbaines afin de limiter l’étalement des stations. On n’est pas encore au moratoire, mais on freine. Pour chaque station, des surfaces touristiques urbanisables maximales pondérées par la “chaleur” du lit ont été définies. Une commune pourra ainsi construire 2,5 fois plus de lits hôteliers que de lits en résidence de tourisme, à surface touristique urbanisable équivalente.

Des pleins et des vides

On l’a vu : si le surtourisme dans les Alpes est encore peu présent, il est le fait de polarisations. On assiste à des pleins touristiques (les sites touristiques et villages emblématiques) et à de nombreux vides. Ces vides ne sont parfois pas moins attractifs, mais simplement moins connus. À cette polarisation s’ajoute le fait que 86% des Français se rendent en vacances en montagne en voiture. Or, si 50 personnes sur un sentier de randonnée ne prennent que peu de place, les 15 voitures les ayant transportées sont plus conséquentes. Dans les Pyrénées, au lac des Bouillousses, les voitures ont été interdites et des navettes misent en place. Dans les gorges de Toulourenc, proche du mont Ventoux, le Parc Naturel Régional du Mont Ventoux a décidé de réduire le nombre de places de parking et de les rendre payantes.

La communication est aussi mise à profit pour limiter la surfréquentation. Au lac d’Allos et dans d’autres sites sensibles (Écrins, Verdon, Ocres de Roussillon et Lubéron), l’application Waze, en partenariat avec le Comité Régional du Tourisme PACA, affichera cet été des notifications à ses utilisateurs les jours de forte affluence. Les utilisateurs seront ainsi informés d’alternatives (parking relais avec navettes gratuites, autres sites touristiques moins fréquentés).

La piste du (dé)marketing 

Si les solutions contraignantes présentées (permis d’accès, fermeture des routes ou limitations d’accès) sont efficaces, certains tentent le travail d’équilibriste d’une communication nuancée. Ainsi, le parc National des Calanques de Marseille s’est lancé cette année dans une opération dite de « démarketing ». L’idée est de décrire les calanques telles qu’elles le sont en été, et non idéalisées. Eau froide, difficile d’accès, surfréquentées en été sont les termes ainsi utilisés par le Parc pour parler des plages. Toutefois, si ce « démarketing » destiné à dissuader la fréquentation n’est pas repris par tout le territoire, ça ressemble à un coup d’épée dans l’eau froide… Même l’office du tourisme de Marseille aujourd’hui le reprend assez timidement.

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