Il y a les projets avortés, les rêves qui resteront des rêves et les stations de ski qui ont (déjà) disparu. Afin de sauver les vallées alpines de la désertification, mais aussi parfois par esprit de clocher, les trente glorieuses vont voir se développer des projets, parfois extravagants, de stations de ski. Le manque d’investisseurs ou quelques hivers sans neige feront que ces projets ne verront jamais le jour.
Si le tourisme de neige se développe dans les Alpes dès la fin du 19e siècle, c’est surtout pendant les 30 glorieuses qu’un tourisme de masse s’installe dans les Alpes, comme sur le littoral français. En parallèle du plan neige, où l’État créa les plus grandes stations des Alpes, de nombreuses communes de montagne et promoteurs montent des projets de station et de domaines skiables… qui n’ont finalement ensuite jamais vu le jour !
La Croix du Sud
Dans les années 80, La Croix du Sud, c’était un projet fou d’un domaine frontalier devant, à terme, relier Valloire à Bardonecchia en Italie, par Valmeinier, Bissorte (Orelle) et Valfréjus. Imaginée par le promoteur de la station de Tignes et de Val Thorens, La Croix du Sud impliquait la création de Valmeinier 1800 (qui fut créée en 1986), d’une station accessible en télécabine sur les rives du lac de Bissorte, puis de Valfréjus (créée en 1983). À terme, ce domaine avait pour ambition de concurrencer les 3 Vallées avec une surface développée deux fois plus vaste.
Au début des années 90, le projet capote après plusieurs années sans neige et l’endettement important des deux stations principalement concernées : Valmeinier et Valfréjus. 9 remontées mécaniques étaient prévues afin de relier Valmeinier à Valfréjus, parmi lesquelles le télésiège de la Sandonnière, finalement créé en site vierge cette année. Source
Il y a peu, ce projet qu’on croyait d’un autre âge est ressorti des cartons à l’occasion de l’élaboration du SCOT de Maurienne. Ce document d’urbanisme fixe les orientations urbanistiques de la vallée à l’horizon des 15 prochaines années. S’il y a fort à parier que la Croix du Sud a été inscrite au Scot pour garder la possibilité technique de mettre en place le projet, il est notamment défendu par le maire de Modane qui avance comme arguments la nécessité de monter en altitude pour s’adapter au réchauffement climatique et ainsi préserver les emplois dans la vallée.

Val Chavière
À la fin des années 60, la commune de Saint-Martin de Belleville, appuyée par le conseil général de la Savoie, entend aménager Val Thorens, sur le versant nord de Péclet-Polset, avec une partie en ski d’été sur glacier de Chavière. À l’époque, le ski d’été est considéré comme indispensable à la viabilité économique du site. Modane, commune support du glacier, voit d’un mauvais œil que son territoire puisse servir les bénéfices des Belleville et de la Tarentaise ! Les rivalités entre la Maurienne industrielle et la Tarentaise, qui bénéficiait de l’argent du Plan Neige étaient importantes. Le projet d’une station satellite côté Maurienne, nommée Val Chavière, naît ainsi.
Toutefois, en plein Parc National de la Vanoise, créé quelques années plus tôt pour limiter l’expansion des stations, le projet se heurte à des oppositions. Le Val Chavière devient le symbole de la lutte contre la bétonisation de la montagne. Les opposants mettent en avant le caractère avalancheux et les importantes colonies de bouquetins du site. En 1970-1971, le vallon de Chavière est finalement jugé trop dangereux après plusieurs avalanches meurtrières. Modane reçoit tout de même 8 millions de francs de subvention en compensation. Ils serviront notamment à créer à la route d’accès au plateau du Charmaix, où sera créée Valfréjus en 1983.
Plus tard, en 1995, c’est par le vallon du Bouchet, sur la commune d’Orelle, que la Maurienne se reliera aux 3 Vallées par Val Thorens. Source

Saint-Michel 1650
Moins favorisée par le Plan Neige que la Tarentaise, la Maurienne a connu de nombreux projets de stations entre les années 60 et les années 90. À Saint-Michel de Maurienne, la commune a équipé une route jusqu’à « Saint-Michel 1650 » (au-dessus de Beaune). La station de ski ne verra jamais le jour. La commune envisageait alors la création d’une station sur le versant sud du Mont-Brequin, un versant rocheux et plutôt sec. Construite à la fin des années 80, en même temps que Valmeinier 1800, sur le versant d’en face, le projet a été abandonné après les années sans neige qui mirent en difficulté Valmeinier peu après son lancement…
Saint-Honoré 1500
Face à la fin de l’activité minière en Mateysine, un projet de station de ski reliée avec l’Alpe-du-Grand-Serre est imaginé. D’une capacité de 1500 lits, Saint-Honoré 1500 offre un panorama ouvert et ensoleillé jusqu’au Vercors. Deux premiers bâtiments sont construits en 1977, puis 2 télésièges et 2 téléskis à la fin des années 90. Les travaux sont toutefois arrêtés en 1993, le promoteur est mis en liquidation judiciaire et emprisonné pour détournement de fonds. La station de ski fonctionnera jusqu’en 2004 et les remontées mécaniques seront démontées entre 2005 et 2007. Il persiste du site une ambiance de friche touristique, préfigurant peut-être le destin de certaines stations dans 50 ans ?
Val Pelouse
Tout comme Saint Honoré, Val Pelouse a fonctionné quelques années. Le fort développement des stations a fini par concentrer les clientèles sur les plus gros sites, dotés notamment d’hébergements.
Situé en versant ouest de Belledonne, 4 kilomètres au nord du Collet d’Allevard, Val Pelouse a fonctionné de 1969 à 1986. En 1969, La Rochette et Arvillard se groupent pour créer un syndicat mixte pour aménager la Grande Montagne d’Arvillard. L’enjeu est double : permettre aux populations locales de goûter au ski et créer une activité économique pourvoyeuse d’emplois et de nuitées pour les hébergeurs de la vallée. Entre 1969 et 1973, la route d’accès est créée et 3 téléskis sont installés. Entre 1973 et 1976, les investissements s’accélèrent avec l’aide du département et de l’État. La route d’accès est améliorée, l’électricité amenée sur place, le parking et le bâtiment d’accueil créés.
Toutefois, l’exploitation en dents de scie liée à la variabilité météorologique et à la quasi-absence de skieurs la semaine viendra au bout de Val Pelouse. En 1986, le stade de neige cesse son exploitation. Le bâtiment d’accueil « Signal 2000 » est démonté et réimplanté à Aiton en tant que restaurant. Source

Pour aller plus loin, un blog, au nom bien trouvé, inventorie les stations de ski fantôme en France.
Photo de couverture : Projet de Saint-Honoré 1500 via APIDAE