De 1964 à 1977, l’État créa avec le plan neige, plus de 20 stations de ski dans les Alpes. Un modèle d’aménagement à la française, influencé par la doctrine moderne. Les stations seront rationnelles, fonctionnelles et efficaces. Un modèle unique qui donna à la France sa place leader du tourisme de neige au monde. Décryptage.
Courchevel ou l’invention de la station planifiée d’altitude
En 1948, le département de la Savoie décide de créer une station de toutes pièces, sur la commune de Saint-Bon-en-Tarentaise. Ce sera Courchevel, un projet qui, à l’origine, se destinait à devenir une destination de ski pour tous. Maurice Michaud, ingénieur des Ponts et Chaussées, aidé du futur urbaniste de la station, Laurent Chapis, identifia rapidement les Trois Vallées comme un site stratégique. Chapis dressa les plans et le concept de station, laissant, tout en l’encadrant, les constructions aux privés. Il invente « la grenouillère » ou front de neige, sorte de place du village du ski. Tout y converge : remontées mécaniques, habitations et commerces. C’est, à l’image du front de mer sur le littoral, le lieu de vie de la station de ski.
La Plagne ou le modèle de la station intégrée
En 1963, avec la création de La Plagne, naît une nouvelle conception de la station. Véritable paquebot des neiges, c’est l’illustration de la pensée moderne appliquée au tourisme en montagne. L’architecture se veut fonctionnelle, rationnelle et utile. La station, dite « intégrée », est conçue pour le bien-être d’un touriste standardisé : des petits appartements destinés seulement au temps de sommeil, de gros bâtiments répartissant au nord la circulation automobile et au sud, la grenouillère, lieu de vie et d’activités. Au rez-de-chaussée des bâtiments, on trouve une galerie commerciale, considérée comme la rue centrale de la station. Elle a l’avantage d’être abritée des intempéries et d’être accessible depuis les appartements sans devoir passer par l’extérieur.

Le Plan Neige : les années folles de l’aménagement
Voulue par les pouvoirs publics et déléguée à des privés, La Plagne sera de 1963 à 1977 le modèle de création des stations des Alpes du Nord. Sous la main de Maurice Michaud, devenu directeur du CIAM puis du SEATM en 1970, la branche aménagement en montagne de l’État français, ce dernier lance le Plan Neige : 15 années folles d’aménagement avec pour objectif la création de 350 000 nouveaux lits touristiques en station. L’enjeu de l’État était de taille : attirer une clientèle aisée pour pallier à l’exode rural et faire de la France une destination leader en matière de tourisme de neige. Pari réussi avec la création des plus grandes stations actuelles : La Plagne, Avoriaz, Isola 200, Valmorel, Les Menuires, Val Thorens, Méribel, Flaine, Les 7 Laux…

Le discours de Vallouise et la fin de l’autoritarisme
Toutes les stations du plan neige ont été créées par autorité de l’État et souvent au mépris des populations locales, sans concertations ni études préalables. En 1977, lors du discours de Vallouise, Valérie Giscard d’Estaing, présidente de l’époque, met fin au Plan Neige et proclame la spécificité de la montagne. Les stations ne seront plus créées en site propre et devront faire l’objet d’autorisations. En parallèle, les prises de conscience environnementales et le ralentissement de la croissance de la demande ski auront raison de cette grande entreprise moderne.
Les résidences de tourisme : une présence de l’État sans contrôle
Néanmoins, l’État ne se désengagera jamais vraiment de la montagne. D’autorité d’aménagement, il passera à un rôle de facilitateur d’investissement en votant plusieurs lois successives de défiscalisation en direction de petits investisseurs. Les particuliers seront incités à acheter des appartements en stations de ski dans le cadre de résidences de tourisme. Dans un marché du ski mature, il va faciliter un nouveau visage des stations de ski en créant, souvent autour des stations intégrées, des périphéries à l’architecture standardisée, au style chalet plus ou moins réussi.
Vidéo : Roger Godino interviewé par France 3 en 1977
Ping : Le développement de l’industrie du ski, à coup de millions d’euros et de grands projets délirants, reste le modèle économique privilégié, avec ses investissements dans la neige et les pistes artificielles, les stations, les aéroports. –