Où se trouve le sommet du mont Blanc ? Sur quelle commune se trouvent les glaciers « skiables » de Tignes ou de Val-d’Isère ? Les torrents nés dans les Alpes françaises coulent-ils toutes en France ? Telle commune a 2 clochers et 2 mairies. Dans les Alpes, comme ailleurs, on trouve quelques étrangetés géographiques, résultantes d’une histoire riche… Rappelons-le toutefois, si l’homme aime à ériger des limites sur les cartes, la nature, elle, ne connaît pas de frontières. Suivez-nous, on vous emmène en voyage sur la carte des Alpes !
Le sommet du mont Blanc en France ET en Italie

C’est un phénomène connu, mais pourtant étonnant. Si on compare la carte topographique française à la carte italienne, la frontière, au niveau du mont Blanc n’est pas la même. Tous les petits Français le savent : le mont Blanc est le sommet de l’Europe, et il se trouve en France, et uniquement en France. Et tous les Italiens savent le contraire ! La vérité, en réalité, n’existe pas !
Le litige concerne 3 points de la frontière franco-italienne. Il fait l’objet d’une longue page sur Wikipédia. On y apprend notamment que les Italiens situent la frontière sur la ligne de partage des eaux et que les Français ont une vision différente en plusieurs points : le Dôme du Goûter, la zone du Mont Blanc et du Mont Blanc de Courmayeur, le col du Géant.
La première frontière date de 1792. Auparavant, Savoie et Piémont faisaient partie du même État. Une première interprétation a consisté à placer le mont Blanc dans la commune où il était visible depuis le bourg central : à Chamonix. Avant 1860, les futurs Italiens considèrent d’ailleurs que le mont Blanc se situe en Savoie, et non dans le Val d’Aoste. Lors de l’annexion de la Savoie, c’est sur une carte au 1/50000e, soumise encore aujourd’hui aux interprétations des 2 pays, que la frontière sera délimitée. Dès cette époque, et alors que le mont Blanc gagne progressivement en valeur symbolique et touristique, les 2 pays vont adopter une approche cartographique différente de la frontière.
En septembre 1946, l’approche française prendra une valeur juridique lorsqu’un arrêté préfectoral délimite les communes de Chamonix, Les Houches et Saint-Gervais, qui se disputent le sommet du mont-Blanc. Ce dernier acte par la même occasion la version cartographique française qui délimite la totalité du sommet des Alpes en France. Ce point, non conflictuel, entre les 2 états est rediscuté régulièrement depuis 1996 et non résolu à ce jour. Au niveau international, les pays suivent les versions françaises ou italiennes. D’autres mentionnent une zone conflictuelle. Sur la cartographie de Google Maps, la multinationale ne prend pas parti et indique une double frontière en pointillés !

Vallée étroite, enclave française en Italie

Si le traité d’Utrecht (de 1713) marque la frontière alpine aux lignes de partage des eaux, il existe quelques exceptions. C’est le cas du mont Blanc, en tout cas coté français, mais aussi de Vallée Étroite et du plateau du barrage du Mont Cenis. Vallée étroite, partagée entre France et Italie, se compose d’un hameau et de 2 refuges. Elle est très fréquentée des randonneurs, notamment italiens, puisqu’elle mène au sommet du mont Thabor. Elle se trouve à 2 pas de Bardonecchia. L’accès français se fait via la Clarée, par le col de l’Échelle.
En 1947, c’est le traité de Paris (qui marque la défaite de l’Italie) qui rattache la partie amont à la commune de Névache, en France. Pourtant, ici tout semble Italien : signalisation, refuges, réseau téléphonique, secours en montagne, même la chapelle au sommet du Thabor dépend du diocèse de Susa. C’est sans aucun doute, la plus italienne des vallées françaises. Impossible de trouver, par contre, pourquoi la France a exigé cette vallée préservée, après la Seconde Guerre mondiale. En tout cas, sur place, on comprend que cette étrange situation a créé une situation extraordinairement préservée des appétits des aménageurs.
Lac du Mont-Cenis en versant italien

Ici aussi, le traité de Paris a permis de déroger à la règle de la frontière sur la ligne de partage des eaux. En Haute-Maurienne, entre France et Italie, c’est au col du mont Cenis que la frontière « Utrecht » devrait avoir sa place sur la carte. Toutefois, après la défaite de la Seconde Guerre mondiale, ce territoire sera rendu aux Mauriennais, retrouvant les frontières communales d’avant 1860. Au-delà du rendu de propriété des alpages Mauriennais, cette restitution permettait également de mieux protéger « la vallée d’une éventuelle nouvelle invasion militaire » selon l’article consacré au sujet sur Wikipédia.
Le barrage constitué en 1968 sur ce beau plateau permit surtout à la France de valoriser le site pour une activité économique importante. La retenue du mont Cenis est ainsi la 6e plus grosse de France, elle emploie 140 salariés et permet de produire « 905 GWh, soit 27 fois la consommation d’une ville comme Chambéry » selon Wikipédia. Les eaux du mont Cenis se déversent en Italie.
Le ski d’été de Val d’Isère se fait à Bonneval sur Arc
Toujours dans le registre des frontières, mais sur un versant moins géopolitique, saviez-vous que quand vous skiez dans une station, vous n’êtes pas tout le temps sur le territoire de cette commune ? Cette particularité rend parfois plus complexes certains actes. Une commune non touristique doit ainsi instruire des projets et demandes d’urbanisme touristique et de stations ne la concernant pas. Des mécanismes de compensation et de redistribution financiers sont souvent à l’œuvre. C’est sans doute, au niveau local, une géopolitique fiscale et administrative plus vive que le partage du mont Blanc entre France et Italie.
Saviez-vous ainsi qu’une partie des pistes du glacier de Tignes sont situées sur la commune de Termignon en Maurienne ? Saviez-vous également que lorsque vous skiez sur le glacier du Pisaillas à Val-d’Isère, vous êtes en fait sur la commune de Bonneval-sur-Arc ? Ce domaine est d’ailleurs confié à la gestion de la Société d’Exploitation des Téléphériques de Val d’Isère en délégation de service public par la commune de Bonneval-sur-Arc et non par Val-d’Isère. Cette délégation prend fin en septembre 2021.

Saint-Pierre d’Entremont, la ville divisée
Fruit de la longue séparation de la Savoie et de la France, Saint-Pierre-d’Entremont, mais aussi de Pont-de-Beauvoisin ou encore Seyssel, sont des communes savoyardes qui ont une jumelle en Isère (et inversement). Elles disposent ainsi de 2 mairies et de 2 églises notamment. L’histoire récente a apaisé les relations puisque maintenant, les intercommunalités sont à cheval sur les deux départements (ce qui ne doit pas être sans poser de problèmes aux fonctionnaires en charge de l’interco). De par sa situation, le village de Saint-Pierre-d’Entremont fut à de nombreuses reprises frontières entre la France et le royaume de Sardaigne. Cette position contribua au développement de la contrebande dans la région jusqu’en 1860, date du rattachement de la Savoie à la France.
Illustration : cartographie sarde, domaine public via Wikipedia