Suite à un passage du rapport annuel de la Cour des comptes 2018, quelques articles de presse et réactions institutionnelles se sont fait entendre. Certains félicitent, d’autres s’indignent dans un jeu de position désormais classique entre privé et public, collectivités locales et état central… Le rapport néanmoins ne pointe pas une mauvaise gestion, mais le « besoin d’un nouveau modèle de développement » face au réchauffement climatique pour les stations de moyenne et basse altitude. Également en cause : le rapport de forces entre les exploitants des domaines skiables et les communes supports de stations ne serait pas forcément en la faveur des collectivités.
Les 2 points que la Cour des comptes « épingle
- Des délégations de service public mal maitrisées
La loi montagne de 1985 a transformé les domaines skiables et les transports par câble en services publics. De ce fait, il n’existe pas en France de domaines skiables privés. La commune est donc en charge de l’exploitation de ces derniers, et sa délégation à un privé si besoin. Le principal problème pointé par la Cour des comptes est la petite taille des communes support de stations (souvent moins de 1000 habitants). De ce fait, elles sont rarement munies pour contrôler et négocier leurs contrats de délégations de service public face à des opérateurs de grande taille et de mieux en mieux conseillées. La Cour des comptes pointe également les contrats signés par les communes, trop avantageux pour les délégataires. Elle juge ainsi que ces derniers dépassent en durée bien souvent le simple amortissement des investissements. On trouve par exemple le même délégataire à Courchevel depuis 30 ans et à La Plagne depuis 40 ans.Également, les communes auraient tendance à valider les augmentations tarifaires et remises éventuelles sans pouvoir (ou vouloir) exercer un contrôle sur la justification de ces dernières. Cette assertion est d’ailleurs confirmée par les réponses de certaines communes en annexe. Pour les uns, c’est une relation de confiance au bénéfice de tous (si le domaine skiable va bien, la station se porte bien), pour les autres, on argue que l’exploitant en refuse simplement la validation.Alors que les domaines skiables réalisent des revenus importants et ont parfois de grandes rentabilités, certaines communes en profitent parfois très peu et ne peuvent pas réinvestir dans la station. En effet, les redevances d’occupation du domaine public sont parfois inexistantes ou dérisoires comme c’est le cas à Morzine ou Chamonix. Là encore, certaines communes préfèrent un exploitant compétitif plutôt que de tirer des revenus pouvant fragiliser la compétitivité de leur station.
La cour des comptes regrette également que les taxes sur les remontées mécaniques ne soient basées que sur un chiffre d’affaires déclaratif et fassent l’objet d’abattements discutables. La Cour des comptes pointe également des optimisations souhaitables dans la récolte de la taxe de séjour, bien inférieure à ce qu’elle devrait être.
- Une vulnérabilité trop importante au réchauffement climatique
Se basant sur un chiffre (parfois contesté) voulant qu’un domaine skiable soit viable s’il est capable d’assurer 100 jours d’ouverture au minimum et sur une étude confiée à Météo France, la Cour des comptes estime qu’à l’horizon 2050, une grande majorité des domaines skiables (hors Savoie) inférieurs à 1800 mètres connaîtra une exploitation dégradée de son domaine skiable. La Cour des comptes pointe également la neige de culture, actuellement encouragée par la région et les départements des Alpes du Nord, comme une solution « partielle et onéreuse ». En effet, celle-ci ne pouvant fonctionner que par temps froid et les fenêtres de froid se réduisant, elle ne constituera en rien une solution pour les stations de basse et moyenne altitude. Pour ces dernières, elle fait porter, par ailleurs, des coûts importants sur des communes aux moyens déjà dégradés. Ainsi, à Villard-de-Lans, en 2015, 117 000 m² d’eau potable ont été offerts par la commune à l’exploitant afin de produire de la neige de culture.En conclusion, pour la CDC, si la neige de culture peut « conforter les grandes stations sur un marché concurrentiel », elle ne permet pour les autres, que de conserver un enneigement minimal qui ne détournera pas les skieurs de s’orienter vers des domaines plus élevés en cas de manque de neige.
Que préconise la Cour des comptes ?
La Cour des comptes pose son diagnostic : pour les grandes stations (+de 1 800 mètres d’altitude), tout ira bien. Elles vont gagner en attractivité grâce à leur garantie neige. Attention néanmoins au cadre juridique dans lequel les délégations s’inscrivent avec de grands opérateurs puissants.
Pour les autres stations, il faut travailler sur la diversification et sur la solidarité territoriale. Pour les stations de basse altitude (Chartreuse, Vercors), il faudra travailler rapidement un tourisme de proximité mieux réparti sur l’année.
Selon la Cour des comptes toutefois, les actions de diversification doivent être menées avec prudence, car elles peuvent faire peser de lourdes charges sur les collectivités.
- Élargir le périmètre
Prenant l’exemple des stations de la Drôme, gérées par le département, la Cour des comptes préconise d’utiliser Savoie Stations Participation, société d’actionnariat du département de la Savoie, comme outil territorial de planification touristique. Cette dernière utilise notamment le dividende des grandes stations pour accompagner les plus petites. La cour de comptes voit ici une piste à explorer en changeant d’échelle afin d’accompagner la diversification des petites et moyennes stations. - Vers une diversification prudente de l’activité
La Cour des comptes conseille de rechercher une diversification prudente des activités et préparer la reconversion des sites les plus menacés. La piste d’une clientèle plus âgée et moins sportive est évoquée (clientèles contemplatives); Chamonix est pris en exemple avec 40% du CA des remontées mécaniques qui est réalisé en été. Mais le coût de la diversification doit inciter à la prudence selon la Cour des comptes. Et la Cour des comptes de pointer la gestion difficile des centres aquatiques de montagne (Megève et Tignes notamment). - Redynamiser les lits touristiques
Avec 1 à 5% du parc qui sort du système commercial chaque année, on estime qu’il faudrait construire chaque année 3 à 5000 nouveaux lits. Face à ce défit de construction, rénovation, remise en marché et à la baisse du foncier disponible, la Cour des comptes salue notamment la création des foncières dans les Alpes, engagées dans la remise en marché des lits touristiques.