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Alpes : vers un tourisme mélancolique ?

Dans un contexte de réchauffement climatique extrême et une perspective d’effondrement de la biodiversité, les Alpes pourraient bien faire l’objet d’un tourisme prémémoriel où les vacanciers viendraient observer ce qui, peut-être, n’existera plus dans quelques années. À l’image des barrières de corail, qu’il faudrait voir avant leur disparition certaine, les glaciers alpins sont promis à une lente disparition.

Glaciers : dépêchez-vous, ça fond !

Une mer de Glace recouverte de pierres, des roches qui revoient le jour après des millénaires sous la glace, des pans de montagnes qui s’effondrent… la montagne est souvent présentée dans les médias comme la sentinelle du réchauffement climatique, l’allégorie de l’effondrement qui nous attend… Dans un reportage diffusé mardi dernier sur France 3, relatif à l’arrêt prématuré du ski d’été sur le glacier de Tignes, un vacancier originaire du nord de la France, y découvre « des rochers qui n’ont pas vu le jour depuis des millénaires » et des « détritus qui datent des années 60/70 ». Le réchauffement climatique vécu et constaté en temps réel. La semaine précédente, France 5 consacrait un épisode de sa série « sale temps pour la planète » aux Alpes et y évoquait la perte de pas moins de 130 mètres de glace depuis les années 80 pour la mer de Glace. Cette dernière est admirée depuis de nombreuses années avec une mélancolie particulière par plus de 700 000 touristes qui empruntent le tramway du Montenvers chaque année.

Webcam de la mer de Glace le 7 août 2019

Les quelques reliques que sont nos glaciers alpins disparaissent progressivement depuis des siècles. On estime ainsi qu’à la fin du XXIe siècle, 231 des 256 glaciers des Écrins auront disparu ! Seuls ceux ayant une zone d’accumulation supérieure à 3500 mètres pourront survivre. D’ici à la fin du siècle, les glaciers des Alpes risquent de fondre à plus de 90 %. Ces 25 dernières années, ils ont déjà perdu 25% de leur surface.

>> A lire : Réchauffement climatique dans les Alpes : opportunité ou menace ?

Vers un tourisme mélancolique ?

Si pour le moment, le but du voyage ne consiste pas à observer les reliques d’un climat ayant précédé l’anthropocène, on ne peut s’empêcher de remarquer une vision mélancolique dans l’observation de la montagne, attestée et encouragée par les médias. Il est vrai qu’il n’y a qu’en haute montagne que le réchauffement climatique semble marquer le paysage à l’échelle d’une vie humaine, accélérant des processus naturels de fonte et d’érosion. De là à permettre de développer un tourisme prémémoriel et mélancolique, il n’y a qu’un pas, qui toutefois ne sera sans doute jamais franchi, car un glacier qui disparaît, ce n’est pas esthétique. Aujourd’hui, la mer de Glace est un fleuve de cailloux gris qui perd chaque année de son attrait. Au sommet du train du Montenvers s’est d’ailleurs développée une pédagogie de la glaciologie et de l’observation du réchauffement climatique in situ.

Ski et tourisme décarboné : le choc des modèles

Toutefois, si l’enjeu pour sauver le tourisme alpin consistait à décarboner nos pratiques touristiques, le ski, moteur de l’économie touristique alpine, ne fait pas figure d’exemple. En la matière, le transport pèse pour 57% dans le bilan carbone des vacances au ski. Les bouchons rencontrés traditionnellement en vacances scolaires entre Lyon et les stations en témoignent. Cependant, les trajets en voiture ne représentent que 19% du carbone atmosphérique produit alors que le déplacement des touristes étrangers, qui se déplacent majoritairement en avion, génère 44% du carbone des transports, soit 25% du bilan carbone total des stations de ski.

Aujourd’hui, les institutions publiques en faveur du tourisme dans les Alpes continuent toutefois de vouloir promouvoir le tourisme aérien comme en témoignent les actions en Chine de Savoie Mont Blanc Tourisme et Auvergne Rhône Alpes Tourisme. Une récente pétition dénonçait d’ailleurs, en Tarentaise, l’incohérente vénération des élus locaux pour le Club Med, au bilan carbone catastrophique du fait d’une clientèle majoritairement internationale.

Autre source de carbone en station : l’hébergement et notamment le chauffage des bâtiments, souvent mal isolés, qui représenterait selon l’étude de 2010 de l’ANMSM, 27% du bilan carbone global. Le ski en tant que tel, plutôt green puisque les remontées mécaniques sont électriques, ne pèserait que 2% du bilan carbone des vacances au ski.

Aujourd’hui, en station, aucune action massive n’est mise en place pour faire venir les vacanciers en train ou pour réduire la déperdition thermique des bâtiments. On continue à inciter les multiples copropriétaires à rénover, à tenter de faire venir des touristes Brésiliens, Russes ou Chinois et à produire une neige plus blanche que blanche en l’attente de trouver un nouveau modèle de développement.

En attendant, des solutions existent pour skier sans polluer. Nous les avons listées dans un article. Certains hébergeurs font de vrais efforts pour les performances énergétiques de leurs bâtiments, le TGV arrive à Bourg-Saint-Maurice et Saint-Gervais, des navettes relient la majorité des stations des Alpes du Nord aux gares de la vallée. En savoir plus

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